Commentaire de Francine Allard

Ô Kébèk de mon ami Raôul Duguay, une farce? Pas du tout. Je connais Raôul depuis longtemps et sans être mon ami, je crois que nous avons du respect l’un envers l’autre.
Mais j’en veux à Patrick Lagacé pour cet article «destroy» qui démolissait tout ce qui siège au-dessus du coeur du poète: l’intelligence, le jugement, l’altruisme, la créativité, l’amour et l’âme. Parce que Lagacé l’a fait sans perspective, sans imaginer ce qui serait arrivé si les Trois Accords ou les Cowboys fringants ou encore une étoile académie avaient accepté d’écrire notre hymne.

Un hymne, c’est pompier par définition. Dans quelques paragraphes, on doit reconnaître les habitants, leurs moeurs, leurs rites, leurs us, leur imaginaire, leur faune, leur flore, leurs amours, pour que l’on dise après l’avoir entendue: j’aimerais donc être leur ami.

Oui, oui, les orignaux sont des bêtes de chez nous et aussi cette tonne de préjugés, cette montagne de critiques sans comparaisons, cette propension à ne pas faire d’efforts. C’est aussi chez nous. Mais ça, Raôul n’en a pas parlé, il a choisi juste ce que nous avions de beau.

Je le crois, Raoûl, quand il dit qu’il a écouté plus de cent hymnes, qu’il a cherché les bons mots, qu’il a vécu comme un Patriote sincère tel qu’il l’a toujours été. Je pourrais aussi vous faire entendre des tas de chansons sans génie écrites par les Léveillée, Ferland, Vigneault. Vous ne connaissez pas C’est dans l’temps du blé d’Inde écrite par Claude Léveillée? Disons que le moment ne se prête pas pour vous en citer les paroles. Je la connais par coeur puisque c’est moi qui l’ai chantée lors du Festival du Blé d’Inde de Saint-Benoît dans les années quatre-vingt. Vous seriez tout de même étonnés de savoir que les «grands» chansonniers n’ont pas toujours écrit les meilleurs textes.

Et je ne parle pas des petits groupes à la mode qui écrivent des tas de trucs niaiseux qui pourraient faire hurler les amateurs de belle poésie ! Culture physik, vous connaissez? Saskatchewan, Hawaïenne et même J’suis moisi moi aussi.  Très bonnes chansons qui vous sont accessibles parce qu’elles ne volent pas très haut. Je refuse que mon hymne national soit écrit par des gens qui ne connaissent pas la valeur des mots. Raôul, lui, il a toujours jonglé avec les mots. Il a passé sa vie à titiller la sonorité, à écorcher les sons puis à leur confier d’autres rôles, il s’est impliqué, a tenu le Kébek à bout de bras, lui a donné un son nouveau et il en a écrit des centaines d’hymnes. Duguay m’a toujours fascinée. Parce qu’il y a ceux qui, comme Duguay, bardassent la langue en la connaissant comme le fond de leur poche, puis il y a ceux qui la triturent sans la connaître pantoute.

Ce qui me fâche cependant, c’est qu’on n’aie pas confié l’écriture de l’hymne à Raôul tout seul. Pas qu’on attende d’avoir 61 refus avant de voir Raôul s’avancer comme le prince qui accepte du tuer le dragon pour épouser la belle princesse. Pendant que 61 tatas n’avaient pas les mots pour le dire, voilà qu’un seul s’est levé et a dit: je vais vous l’écrire moi, cet ode au Kébek!

Moi, je déteste les hymnes. Mais puisque la SSJB en voulait un, j’aime bien celui de Duguay. Parce que Raôul a fait un travail remarquable pour le genre. Là où je vois un problème, c’est la musique. Ben trop dur à chanter. C’est déjà assez difficile de chanter l’autre, celui du Canada, que j’aurais aimé que le nôtre coule comme une rivière claire de cailloux lustrés, quand l’orignal brame brame brame...et que la madame soit contente, contente, contente. Ça aussi, c’est nous.

Francine Allard



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